Dans les transferts de joueurs de football, il est très habituel d’inclure dans le contrat un pourcentage que le club acheteur (B) devra payer au club vendeur (A) si jamais dans le futur le club acheteur transfère le joueur à un club tiers (C). Il s’agit soit d’un pourcentage sur le prix de vente soit sur le gain obtenu par le club B (ce gain est le résultat de déduire le prix d’achat au club A au prix du vente au club C).
Le problème surgit quand le transfert se produit comme suite au paiement de la clause libératoire contenue dans le contrat de travail entre le joueur et le club A et non pas dans le cadre d’un transfert où toutes les parties sont d’accord : le joueur, le club A et le club B.
La problématique est la suivante : peut le club A obliger le club B à lui payer le pourcentage susmentionné si le transfert se produit suite au paiement de la clause libératoire prévue dans le contrat de travail ?
Dans le cas d’un transfert normal où toutes les parties sont d’accord, le paiement du pourcentage est obligatoire, cela ne fait pas de doute. Cependant, dans le cadre de la clause libératoire, ce n’est pas clair.
Tout d’abord, qu’est-ce que c’est qu’un « transfert ». Après l’entrée en vigueur des nouvelles modifications du Règlement FIFA du Statut et du Transfert des Joueurs (RETJ), la définition est la suivante :
- Le transfert international, c’est le déplacement de l’inscription d’un joueur d’une association à une autre.
- Le transfert national, c’est le changement d’un joueur d’un club d’une association pour jouer dans un club nouveau et différent faisant partie de la même association.
C’est-à-dire, il n’existe pas de définition formelle. L’on peut néanmoins tirer une définition de la jurisprudence des organes décisionnels de la FIFA et du TAS (Tribunal Arbitral du Sport). Cette approche jurisprudentielle considère que le transfert est composé de quatre éléments :
- Le consentement du club B pour mettre fin au contrat de travail avant son terme
- le consentement et l’intention du club C d’acquérir les droits du joueur
- le consentement du joueur pour changer de club ; et
- le prix de la transaction.
Ces conditions sont cumulatives, c’est-à-dire, il faut réunir les quatre éléments pour que l’on puisse parler de transfert
Les différents cas d’espèce nous laissent penser que la FIFA tend à considérer qu’il y a bien transfert suite au paiement de la clause libératoire et que donc le club A peut demander au club B le paiement du pourcentage accordé et que le club B ne peut pas se nier. Cependant, le TAS n’a pas encore tranché en ce sens et il vient de rendre une décision qui est en contradiction avec sa jurisprudence antérieure.
En 2010, dans l’AFFAIRE KEITA (TAS 2010/A/2098 Sevilla FC v. RC Lens), il s’agissait du transfert du joueur Seydou Keita. Dans l’été 2007 le club Sevilla FC a engagé Keita, qui jouait dans le RC Lens en échange de 4 millions d’euros. En plus, les deux clubs ont accordé un pourcentage sur la plus-value qui obtiendrait le Sevilla FC dans un futur transfert du joueur à un club tiers.
Ce pourcentage serait de 10% si le prix du transfert se situait entre les 4 et 8 millions d’euros, et de 15% si le prix du transfert dépassait les 8 millions d’euros. D’un autre côté, le Sevilla FC et le joueur ont signé un contrat de travail dans lequel ils ont prévu une clause libératoire de 14 millions d’euros si le joueur mettait fin au contrat de manière unilatérale avant son terme avant le 15 Février 2009.
Cette somme serait de 10 millions d’euros si cette décision unilatérale avait lieu après cette date. En Mai 2008 le joueur a pris la décision unilatérale de partir et a payé les 14 millions d’euros de clause libératoire au Sevilla FC pour pouvoir s’engager auprès du FC Barcelona. Tout de suite, le RC Lens a réclamé au Sevilla CF le 15% de la plus-value accordée.
Le Sevilla FC s’est opposé et donc le RC Lens a déposé une demande contre le Sevilla auprès de la FIFA, qui en Décembre 2009 a condamné le Sevilla à payer au club français une plus-value de 1.300.000 euros. C’est-à-dire, pour la FIFA la clause libératoire devait être considérée comme un transfert au sens du RETJ. Cependant, le club espagnol a fait appel devant le TAS et ce dernier a cassé la décision de la FIFA en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un transfert.
Le Tribunal s’est basé sur le manque de consentement: le club espagnol n’avait pas donné son consentement au transfert et, vu qu’il n’y a pas de consentement, il n’y a pas de transfert, et donc le Sevilla FC n’est pas obligé à payer le pourcentage accordé.
Cependant ce n’est pas ce raisonnement qui a été suivi récemment par le TAS dans un affaire similaire, l’AFFAIRE LENGLET. En l’espèce, le joueur Clément Lenglet venait du AS Nancy et a été engagé par le Sevilla CF en Janvier 2017 pour une somme de 5 millions d’euros.
En plus, les parties ont accordé un pourcentage de 12% sur le prix qu’obtiendrait le Sevilla sur un futur transfert du joueur à un club tiers. En Juillet 2018, Lenglet a mis fin de manière unilatérale à son contrat avec le Sevilla CF pour s’engager avec le FC Barcelona et il a payé au Sevilla une clause libératoire de 35 millions d’euros. Ensuite, le AS Nancy a demandé le paiement du 12% mais le Sevilla a refusé.
L’AS Nancy a donc déposé une demande auprès de la FIFA qui a donné raison au club français et a condamné le Sevilla à payer le 12% car, à nouveau, la FIFA a considéré qu’il existait bien un transfert au FC Barcelona. Le Sevilla FC a fait appel auprès du TAS et cette fois-ci, le Tribunal a suivi le raisonnement de la FIFA au lieu de son raisonnement dans l’affaire Keita, tel qu’on s’attendait.
La décision n’a pas encore été publiée par le TAS, elle a juste été annoncée par l’AS Nancy, mais l’on suppose que le TAS a considéré que la clause libératoire est bel et bien un transfert et qu’à partir du moment où le Sevilla FC signe un contrat avec une clause libératoire il consent, de manière anticipée, à ce que dans le futur le joueur mette fin au contrat de manière unilatérale.
En conséquence, pour répondre à notre problématique, la FIFA considère que le club B devra payer au club A le pourcentage accordé même si le transfert se produit comme suite au paiement d’une clause libératoire puisque la FIFA considère qu’il y a bel et bien un transfert.
La position du TAS sur le sujet, par contre, n’est pas claire, mais au regard de sa dernière décision dans l’affaire Lenglet, l’on peut s’attendre à un alignement avec le raisonnement suivi par la FIFA. Néanmoins, nous devons attendre l’arrêt de l’affaire Lenglet pour connaître le raisonnement suivi par le tribunal.
Avocat au Barreau de Madrid
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