Problèmes soulevés: Règlementation espagnole en matière de formation des salariés du secteur électrique

Contexte: le client fait intervenir ses salariés, soumis au droit Français, dans plusieurs pays d’Europe pour la réparation de matériels électriques.

En France, conformément à la réglementation en vigueur et à la norme C 18-510, les salariés doivent suivre une formation adaptée au type d’opérations réalisées. Suite à cette formation, l’employeur, après s’être assuré de la compétence du salarié, doit lui délivrer un titre d’habilitation électrique.

Question : le client devant également respecter la réglementation en vigueur dans le pays où a lieu l’intervention, nous avons besoin de connaitre les obligations de l’employeur pour l’intervention de ses salariés sur des installations électriques en Espagne. Quelles sont les formations obligatoires ? Y-a-t-il des équivalences avec les formations Françaises ? Faut-il un titre d’habilitation ? Par qui doit-il être délivré

Règlementation espagnole en matière de formation des salariés du secteur électrique

En Espagne les deux normes principales qui s’appliquent en la matière sont:

  • La Ley 31/1995 de 8 de noviembre de Prevención de Riesgos Laborales (“LPRL”) (Loi sur la Prévention des Risques du Travail). Cette loi est une transposition au système juridique espagnol de la Directive du Conseil de l’Union Européenne 89/391/CEE.
  • El Real Decreto 614/2001 de 8 de junio (Décret Royal 614/2001) qui définit les dispositions minimales en matière de protection de santé et de sécurité des travailleurs face au risque électrique. (“RD 614/2001”)
  • La Guía Técnica del Real Decreto 614/2001 (Guide Technique du Décret Royal 614/2001) en ce qui concerne l’évaluation et la prévention des risques liés à la protection du risque électrique (“Guía”)
  • El Real Decreto 842/2002 (Décret Royal 842/200) approuvant le Règlement Électrotechnique de Basse Tension et ses instructions techniques complémentaires ITC-BT (“RD 842/2002”)

Premièrement, l’article 19 LPRL établit l’application du devoir de protection, par l’entrepreneur, qui implique un devoir de formation et d’information du salarié. Celui-ci devra garantir que chaque salarié reçoit une formation, théorique et pratique, suffisante et adaptée en termes de prévention, autant au moment de l’embauche que lorsque interviennent des changements au sein de ses fonctions ou lors de l’introduction de nouvelles technologies ou de changements dans les équipements de travail.

Il ajoute, en plus, que la formation doit être axée spécifiquement sur le poste de travail, ou fonction, de chaque salarié, s’adapter à l’évolution et à l’apparition de nouveaux risques et être renouvelée de manière périodique si nécessaire.

Dans la ligne de cette norme, l’article 5 du RD 614/2001 établit aussi la même obligation pour l’entrepreneur, qui « devra garantir que les salariés et les représentants des salariés reçoivent une formation et une information adaptées en matière de risque électrique, ainsi qu’en matière de mesures de prévention et de protection à adopter dans le cadre de l’application du Décret Royal cité ».

Cette obligation de formation est l’un des trois cadres établis par les dispositions du Décret Royal

  • Installations: présente les caractéristiques générales et les modes d’utilisation et d’entretien des équipements et des installations électriques, pour protéger les salariés utilisateurs desdits équipements et installations.
  • Techniques et processus de travail: établit de manière détaillée les méthodes garantissant la sécurité lors de travaux sur des installations électriques pour protéger les salariés qui doivent manipuler l’installation électrique elle-même ou ses alentours, non pas ses utilisateurs.
  • Information et formation: sera, comme nous l’avons indiqué plus haut, différent selon le type d’installation électrique, le lien entre le salarié et ladite installation et selon le type de travail à y réaliser.

Deuxièmement, la formation obligatoire du salarié va varier selon sa fonction et le poste qu’il occupe. Nous avons mentionné que l’obligation de l’entrepreneur consiste à former et à informer les salariés en matière de risque électrique. Mais la formation est-elle obligatoire dans tous les cas, ou bien en fonction du poste occupé une simple information peut suffire ?

Dans tous les cas, l’obligation de formation et d’information existe, c’est à dire qu’elle concerne tous les salariés qui réalisent des opérations sur des installations électriques, mais ce de manière différente selon le poste de travail.

Pour établir la formation adaptée à chaque destinataire, il est nécessaire de réaliser une étude de besoins. Dans les différents Annexes au RD 614/2001 sont indiquées les formations/ certifications minimales que doivent détenir les salariés en fonction du travail qu’ils effectuent.

Le document Guía (page 18) réalise une triple différenciation:

  • Salariés utilisateurs d’équipements et/ou d’installations électriques : la formation et l’information doit atteindre un niveau basique, être le plus simple et brève possible.
  • Salariés dont l’activité, non électrique, a lieu en zone de proximité d’installations électriques sous tension : en plus de la formation et de l’information de type générales indiquées dans le paragraphe antérieur, les salariés doivent être formés aux mesures de prévention à adopter dans le but de ne pas envahir la zone de danger, aux protections collectives et aux équipements de protection individuelle.
  • Salariés dont les missions soient d’installer, réparer ou assurer l’entretien d’installations électriques : dans ce cas la formation, en plus de celle indiquée dans les paragraphes antérieurs, devra être beaucoup plus complète tout en étant très spécifique pour chaque type concret de travail devant être réalisé. Ce cas, celui des techniciens qui réparent des installations électriques, est celui qui nous concerne.

En résumé, dans tous les cas, la formation comme l’information sont obligatoires, mais plus le risque électrique qu’implique le travail en question est élevé, plus la formation et l’information devront être complètes.

En ce qui concerne l’homologation de la formation suivie en France, l’article 25 du RD 842/2002 établit l’équivalence de normative au sein de l’Espace Économique Européen, et permet cette homologation à condition que « l’Administration publique compétente en la matière accrédite que les agents (salariés) offrent des garanties techniques, professionnelles et d’indépendance et impartialité équivalentes à celles exigées par la législation espagnole ; et que les dispositions légales en vigueur dans l’État sur la base desquelles est évaluée la conformité induisent un niveau de sécurité équivalent à celui exigé par les dispositions espagnoles équivalentes ».

Suivant ce Décret Royal, pour être salarié autorisé sur certains postes il sera nécessaire d’être en possession d’un diplôme d’une école professionnelle spécialisée ou d’un établissement d’enseignement supérieur incluant une formation suffisante dans le domaine électrotechnique, et de justifier d’une expérience professionnelle au sein d’entreprises d’installations électriques.

Les diplômes acceptés seront ceux que l’Administration espagnole compétente aura déclarés équivalents à ceux cités, ainsi que les diplômes équivalents déterminés par l’application de la législation communautaire, ou d’autres accords internationaux avec des pays tiers ratifiés par l’État Espagnol.

Pour finir, il n’existe en tant que tel aucun « titre d’habilitation électrique ». En Espagne il existe, dans le cas des travaux sous basse tension, ce que l’on appelle « certificado de cualificación individual en baja tensión » (« Certificat de qualification individuel en basse tension »), mais il n’habilite pas directement, il s’agit du document par lequel l’Administration reconnait au titulaire la capacité personnelle de mener à bien une activité déterminée dans le domaine électrotechnique, en l’identifiant auprès de tierces personnes afin qu’il exerce sa profession dans le cadre du Règlement Électrotechnique.

Ce certificat ne donne pas les compétences, il constitue un prérequis à l’obtention du Certificado de Instalador Autorizado en Baja Tensión (Certificat d’Installateur Autorisé en Basse tension).

Ce qui est couramment décerné et qui pourrait correspondre mieux au “titre d’habilitation électrique” est une autorisation émanant de l’entrepreneur à destination du salarié, elle est orale sauf dans le cas d’un employé qualifié qui travaille en haute tension où elle sera décernée par écrit.

Le Décret Royal 614/2001 fait la différence entre salarié autorisé et qualifié. Le salarié autorisé est celui qui a été autorisé par l’entrepreneur à réaliser certaines tâches comportant des risques électriques, en raison de sa capacité à les faire de manière correcte, suivant les procédures établies dans le Décret Royal.

Le salarié qualifié est un salarié autorisé qui possède des connaissances spécialisées en matière d’installations électriques, grâce à sa formation reconnue, professionnelle ou universitaire, ou à son expérience certifiée de deux ans ou plus.

Le salarié autorisé doit donc avoir une autorisation émanant de l’entrepreneur pour pouvoir réaliser ce travail exposé au risque électrique de manière efficace. Dans le document Guía on trouve un répertoire littéral des tâches pour lesquelles le salarié a besoin de cette autorisation:

  • Les opérations et manœuvres nécessaires à mettre hors tension les installations basse tension (Annexe II)
  • Le remplacement de fusibles sur des installations basse tension (Annexe III)
  • Les manœuvres en haute et basse tension (Annexe IV)
  • Les mesures, tests et vérifications sur des installations basse tension (Annexe IV)
  • Les travaux en zone de proximité d’éléments sous tension (Annexe V)
  • La détermination de la faisabilité de la réalisation de travaux en zone de proximité d’éléments sous tension en basse tension (Annexe V)
  • La surveillance de l’application des mesures de sécurité lors des travaux en zone de proximité (Annexe V)
  • Les travaux sur des installations électriques sur des emplacements exposés au risque d’incendie (Annexe VI)

L’autorisation est donnée par l’entrepreneur verbalement. L’autorisation écrite n’est nécessaire que dans un cas : celui de travaux haute tension menés par des salariés qualifiés (page 23 du document Guía). D’après l’Annexe III du RD 614/2001, dans ce cas les salariés qualifiés devront être autorisés par écrit par l’entrepreneur pour réaliser le type de travail qui aura lieu, après avoir vérifié sa capacité à le faire correctement, en accord avec la procédure établie, qui devra être définie par écrit et inclure la séquence des opérations à réaliser. L’autorisations devra être renouvelée et devra être retirée si le salarié n’a pas respecté les normes de sécurité ou lorsque sa santé ne s’adapte plus aux exigences du travail à réaliser.

Conclusions

  • Selon l’article 5 du RD 614/2001 et l’article 19 de la Ley de Prevención de Riesgos Laborales (Loi sur la Prévention des Risques du Travail), les entrepreneurs du secteur électrique en Espagne ont l’obligation de former et d’informer : ils doivent doter leurs salariés d’une formation pratique et théorique en matière de risque électrique, une formation toujours en adéquation avec le poste de travail et s’adaptant constamment.
  • La formation et l’information sont toutes deux obligatoires car selon le RD 614/2001 l’obligation de formation et d’information s’applique à tous les salariés qui réalisent des opérations sur des installations électriques, mais elle s’applique de manière différente selon le poste de travail. Dans notre cas, celui des techniciens réparateurs de matériels électrique, la formation exigée est la plus élevée car le risque est très grand. L’homologation de la formation suivie en France est possible d’après l’article 25 RD 842/2002 et les diplômes équivalents déterminés par l’application de la législation communautaire ou d’autres accords internationaux avec des pays tiers ratifiés par l’État Espagnol seront admis.
  • Il n’existe en tant que tel aucun titre d’habilitation électrique, il existe un certificat pour les travaux basse tension « certificado de cualificación individual en baja tensión » (« certificat de qualification individuel en basse tension »), mais il ne donne pas les compétences pour le travail, il constitue un prérequis à l’obtention du Certificado de Instalador Autorizado en Baja Tensión (Certificat d’Installateur Autorisé en Basse tension). Ce qui est courant et qui correspond le mieux au « titre d’habilitation électrique » est l’autorisation émanant de l’entrepreneur à destination du salarié pour réaliser le travail ; cette autorisation est toujours verbale, il n’y a qu’un contexte dans lequel une autorisation écrite de l’entrepreneur est obligatoire : celui de travaux sous haute tension, comme décrit dans l’Annexe III del RD 614/2001.

Miguel Morillon

Avocat au Barreau de Madrid

Ceci peut aussi t intéresser…

Image de couverture: designed by Pvproductions – Freepik.com